La science du jeu

Quentin BaysConfiance, Ressources


La science du jeu


Extrait du livre "Le cerveau qui dit oui", Dr Daniel Siegel et Tina Payne Bryson, Les Arènes 

On peut dire sans exagérer qu'à l'heure actuelle, le jeu libre est en voie de disparition chez beaucoup d'enfants. À la maison, il a été remplacé par des activités structurées, des cours et des entraînements. A l'école, le travail intellectuel commence de plus en plus tôt, les enfants passent beaucoup de temps assis, à améliorer leurs performances aux tests standardisés, et il leur leur reste de moins en moins pour construire des tours jouer à chat ou à faire semblant. Pour couronner le tout, il y a aussi l'emprise actuelle de la télévision, des consoles, des jeux en ligne et des réseaux sociaux sur leur esprit et sur leur vie.

Ces nouvelles activités ne sont pas mauvaises en elles-mêmes. Ce qui pose problème, en revanche, c'est quand elles se substituent de plus en plus au jeu, essentiel pour sa part au bon développement des humains comme des autres mammifères. Saviez-vous, par exemple, qu'un rat continuera de jouer même si les parties supérieures de son cerveau, son cortex, sont endommagées et que ses compétences cognitives comme l'apprentissage et la mémoire sont limitées? Cette découverte, que l'on doit à Jaak Panksepp, montre clairement que le besoin et l'envie de jouer sont profondément ancrés, voire primitifs chez les mammifères, et qu'ils impliquent les structures inférieures du cerveau, tout comme l'instinct de survie et de lien social. Ces régions ont aussi une influence directe sur le développement des zones supérieures, permettant une meilleure intégration cérébrale.

Une autre étude, menée cette fois par Stuart Brown, qui s'est intéressé aux meurtriers dans le couloir de la mort, a mis en évidence deux points communs dans l'enfance des condamnés: ils ont été victimes de violences et ils n'ont pas eu la possibilité de jouer.

Ce genre d'études souligne un point important: le besoin fondamental qu'ont les enfants d'être autorisés à n'être que des enfants et à jouer tout simplement, au lieu de consacrer leur temps libre exclusivement à des leçons de piano, des ateliers scientifiques et des cours après l'école. La musique, la science et le travail scolaire ne doivent pas être négligés, bien sûr, et les écrans ont aussi leur place dans leur vie. Nous ne sommes bien évidemment pas contre la pratique d'une activité. Si l'enfant manifeste une passion profonde pour un domaine particulier, celle-ci doit être encouragée.

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Mais cela ne doit pas être au détriment de la possibilité pour lui d'exercer sa curiosité, son imagination et son besoin de jouer - ce qui lui permettra de grandir, de se développer et de découvrir qui il est. Considérons les choses ainsi: le jeu libre est une activité du Cerveau du Oui, car l'enfant y explore sa propre imagination, fait des essais de comportements et d'interactions avec les autres, sans jugement ni menace. Le jeu libre est différent d'une pratique sportive structurée. Et les deux ont leur place dans la vie de l'enfant. Mais les règles qui ont cours dans tout sport et la configuration courante où une équipe gagne et l'autre perd introduisent souvent un sentiment d'évaluation du bon et du mauvais, alors que le jeu libre nourrit l'imagination sans exercer aucune pression.

Le besoin de jouer est très ancien et constitutif de notre humanité. De récentes recherches en ont fait la démonstration à plusieurs reprises. Parfois les études ne révèlent rien d'autre que ce que nous savons intuitivement: par exemple, que le jeu diminue le stress - ce que l'on constate aussi bien dans les zones et les écoles à la population favorisée que dans celles où règne la pauvreté, où les conditions de vie sont difficiles.

D'autres résultats sont un peu plus surprenants.

Par exemple, les chercheurs ont découvert que jouer à des jeux de construction améliore le développement du langage chez les petits. De même, pouvoir jouer juste après avoir été déposé à la crèche diminue la détresse et rend plus tolérant à la séparation, par comparaison avec un atelier de lecture, par exemple.

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Le simple fait de jouer est un facteur positif de régulation des émotions.

Intuitivement, on a tendance à se dire que lorsque les enfants jouent, ils ne font que s'occuper ou que s'amuser — ce qui est bien, évidemment - mais qu'ils ne sont pas en train de « réaliser» quelque chose ou d'agir d'une manière « constructive», bénéfique à leur mental.

Les études scientifiques du jeu montrent, au contraire, que le fait même de jouer a d'innombrables avantages, cognitifs et non cognitifs, bien au-delà du fait de passer un bon moment (ce qui est en soi une très bonne chose, nous en sommes profondément convaincus).

Le jeu est le travail des enfants: il développe les compétences cognitives, améliore le langage et les techniques de résolution de problèmes ainsi que d'autres fonctions exécutives telles que la planification, la prédiction, l'anticipation des conséquences et l'adaptation à l'inattendu. En somme, tout ce qui fait le Cerveau du Oui!

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Le jeu favorise aussi l'intégration. Les enfants accroissent leurs compétences sociales, relationnelles et même rhétoriques lorsqu'ils jouent et qu'ils doivent se montrer diplomates, définir les règles explicites et implicites propres à tel jeu ou à tel groupe de joueurs. Il leur faut trouver comment entrer dans la partie et négocier avec les autres quand ils ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. Ils apprennent à se montrer fair-play, flexibles, à jouer chacun à son tour avec un certain sens moral. Ils sont également confrontés à des questions d'empathie, pour ajuster leur réaction envers ceux qui ne peuvent pas participer.

Le jeu améliore non seulement la sociabilité, mais favorise aussi un cerveau équilibré sur le plan psychologique et émotionnel. Il permet aux enfants de s'entraîner à toutes sortes de compétences du Cerveau du Oui, comme gérer la déception, se concentrer et donner du sens au monde. C'est l'occasion pour eux d'essayer divers rôles, de surmonter leurs peurs et leur sentiment d'impuissance. Leur équilibre émotionnel et leur résilience s'accroissent, ainsi que leur tolérance à la frustration en cas de contrariété. Et l'on obtient tout cela simplement en les laissant jouer!




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